Sous l’effet du froid, de l'exercice ou de l'alimentation, les cellules du tissu adipeux blanc peuvent brunir. On parle alors de graisse beige, de tissu adipeux beige ou encore de graisse brune induite. Sous ces différents noms se cache une seule et même réalité : les graisses beiges, comme les graisses brunes, sont capables de brûler les graisses blanches. En voilà une bonne nouvelle pour notre silhouette (et pas que) !
1/ Graisses beiges et graisses brunes : les points communs
Notre tissu adipeux est composé de 3 types de cellules : le tissu adipeux blanc (ou graisses blanches), le tissu adipeux brun (ou graisse thermogénique = graisses brunes) et... le tissu adipeux beige (ou graisses beiges). On doit la découverte de cette 3ème variété de cellules graisseuses au Dr Spiegelman et son équipe du Dana-Farber Cancer Institute de Harvard qui se sont rendus compte qu'une partie des graisses brunes chez l'adulte n'avait pas la même origine que celles présentes chez les nouveau-nés. (3)
Lorsque le corps est exposé au froid ou autres stimuli, les cellules du tissu adipeux blanc peuvent brunir. Ces graisses blanches deviennent donc beiges. On parle alors de brunissement de la graisse blanche.
Au-delà du changement de couleur, c’est surtout le changement de fonctionnement qui nous intéresse. Tout comme les graisses brunes, les graisses beiges ont un rôle dans la régulation thermique sans tremblement du corps. Elles possèdent toutes deux une grande quantité de mitochondries dont le rôle est de produire de la chaleur. Et on retrouve chez les graisses beiges la même protéine que chez les graisses brunes, la thermogénine ou UCP1, capable de déclencher la production d’énergie thermique par les mitochondries.
Pour fonctionner, cette protéine utilise des acides gras libres provenant de la lipolyse (soit la fonte des graisses blanches) et du glucose. Ce sont ces carburants qui lui permettent de générer de la chaleur. Les adipocytes blancs (graisses blanches) stockent les triglycérides eux-mêmes constitués de 3 acides gras et d'une molécule de glycérol.
Les graisses beiges, tout comme les graisses brunes, consomment donc elles aussi d’autres cellules graisseuses pour fonctionner tout en portant l'espoir d'une solution contre l'obésité et le diabète. C'est en effet ce qu'a montré une étude réalisée sur deux souris : l'une témoin et l'autre génétiquement modifiée pour accentuer sa proportion de graisses brunes. Les chercheurs ont ensuite comparé les deux groupes afin d'analyser les effets des graisses brunes sur l'obésité et le diabète :
« Le potentiel thérapeutique des deux types d’adipocytes "foncés" est manifeste. Chez la souris, les manipulations génétiques induisant la formation de cellules brunes ou beiges ont montré un important effet anti-obésité et anti-diabétique. » (1)
« Ces résultats démontrent un rôle physiologiquement signifiant des BAT dans la dépense d’énergie du corps entier, l’homéostasie du glucose, et la sensibilité à l’insuline chez les humains, et soutient la notion que les BAT pourraient fonctionner comme des tissus anti-diabète chez l’humain » (2)
Mais qu'en est-il chez les humains ?
De nombreuses études cliniques menées sur des adultes humains suggèrent elles aussi l'effet bénéfique de l'activation du brunissement des graisses blanches (qui deviennent donc des graisses beiges).
Ainsi, une exposition quotidienne au froid de 2 heures à 17°C pendant 6 semaines entraîne une augmentation de l'activité des graisses beiges et une augmentation de la dépense énergétique induite par le froid, ainsi qu'une diminution concomitante de la masse grasse corporelle.
Une autre étude a démontré qu'une exposition prolongée au froid pendant 5 à 8 heures était capable d'augmenter la dépense énergétique au repos de 15 % et que le glucose plasmatique (30 %) et les AGL (70 %) contribuaient à l'augmentation observée de la dépense énergétique au repos. L'élimination du glucose dans l'ensemble du corps a été significativement augmentée. Chez les sujets atteints de diabète de type 2, 10 jours d'acclimatation au froid ont augmenté la sensibilité périphérique à l'insuline de 43 %.
L'exposition au froid a donc pu augmenter la dépense énergétique et avoir des effets bénéfiques sur le métabolisme du glucose, ce qui soutient son rôle dans le traitement de l'obésité et des troubles métaboliques connexes chez l'homme, probablement par le biais d'un effet sur l'activation des graisses beiges. (4)
2/ Graisses beiges et graisses brunes : quelle différence ?
Il existe tout de même une différence entre les graisses beiges et les graisses brunes.
Si les graisses brunes peuvent exprimer le gêne UCPA responsable de la production de la protéine éponyme liée à la fonction de thermorégulation (la thermogénine) tout le temps, même à thermoneutralité, ce n’est pas le cas des graisses beiges capables de ne l’exprimer qu’en réponse à une stimulation.
« Bien que ces cellules aient un niveau basal d'expression du gène UCP1 très faible, comparable à celui des cellules adipeuses blanches, elles conservent une capacité remarquable à activer puissamment l'expression de ce gène et à mettre en place un programme robuste de respiration et de dépense énergétique équivalent à celui des cellules adipeuses brunes classiques. » (1)
Bruce Spiegelman et son équipe du Dana-Farber Cancer Institute de Harvard (Etats-Unis) précisent que la production d’UCP1 peut ainsi augmenter considérablement en réponse au froid et sous l’effet de l’irisine, une hormone activée par l’exercice physique... et par le froid également.
3/ Graisses blanches, graisses brunes et graisses beiges : on fait le point
Les graisses blanches ont un rôle de stockage : elles forment un réservoir d’énergie dans lequel le corps peut puiser lorsque nos réserves de glucides (sucre) sont épuisées.
Largement majoritaires - elles correspondent à 95% de la graisse totale – les graisses blanches se concentrent au niveau de la poitrine, des hanches, des cuisses, des fesses et des épaules. Elles sont réparties en graisse sous cutanée (directement sous la peau : graisse abdominale, poignées d’amour ou encore cellulite sont autant de noms pour les désigner) et en graisse viscérale (autour des organes internes). D'un point de vue "santé", les graisses viscérales sont les plus importantes à combattre car elles peuvent, à terme, nuire au bon fonctionnement des organes et augmenter les risques de maladies cardiovasculaires.
Les graisses brunes ou graisses thermogéniques ont un rôle de « chauffage ». Leur rôle est de maintenir le corps à la bonne température lorsqu’il est exposé au froid. Elles produisent donc de la chaleur en consommant des graisses blanches et des sucres. Autrement dit, elles sont à la fois des brûle-graisses et des isolants thermiques.
Les graisses beiges sont des cellules de graisses spécifiques, converties à partir de cellules de graisses blanches. On parle de « brunissement » des graisses blanches, une couleur liée à la concentration de mitochondries (usines à combustion de graisses) et au fer qu’elles contiennent. Leur fonctionnement est proche de celui des cellules brunes (ou graisses brunes). Elles ont donc les mêmes bienfaits.
(1) Jun Wu, Pontus Boström, Lauren M. Sparks, Sven Enerbäck, Patrick Schrauwen, Bruce M. Spiegelman, 2012. Beige Adipocytes Are a Distinct Type of Thermogenic Fat Cell in Mouse and Human.
(2) Chondronikola M. et al., 2014. Brown Adipose Tissue Improves Whole Body Glucose Homeostasis and Insulin Sensitivity in Humans.
(3) Jun Wu, Pontus Boström, Lauren M. Sparks, Sven Enerbäck, Patrick Schrauwen, Bruce M. Spiegelman. 2012. Beige Adipocytes Are a Distinct Type of Thermogenic Fat Cell in Mouse and Human.
(4) Lizcano, F., Vargas, D.; 2016. Biology of Beige Adipocyte and Possible Therapy for Type 2 Diabetes and Obesity.